A propos de “déGAFAmisation” et de “déGooglisation”

Récemment interpellé par un post de Diane Touré (@DianeToure) grace à Arnaud Velten (@bizcom) intitulé :

Comment se “dégafamiser” et reprendre le contrôle de sa vie en ligne ?

accompagné d’une illustration tout aussi préoccupante :degooglisernet-600x356

Le titre de ce post m’a vraiment interpellé et le dessin aussi, un peu comme si c’était nous les citoyens ordinaires du Net qui étions les parias de cette société numérique “gafamisée”, “NSAisée”, surveillée globalement, etc.

Puis en y réfléchissant bien et à la lecture des conseils et propositions pour se “dégoogliser”, je me dis que la situation n’est clairement pas normale. Pourquoi serait-ce à nous les ordinaires citoyens du Net de palier aux manquements manifestes de ces fournisseurs de systèmes et services ? Ceci, un peu comme si nous étions dans le maquis, en territoire occupé ou dans un village d’irréductibles NETois.

Non! Je proteste vigoureusement contre un tel état de fait et je postule qu’il est de notre devoir de citoyen responsables du Net d’exiger que les fournisseurs de systèmes et de services numériques adoptent une posture de Conception Responsable offrant par défaut un niveau de confiance permettant de placer la partie la plus faible, c’est-à-dire NOUS les citoyens du Net, dans une position claire de sécurité et de confiance vis-à-vis de l’usage fait de nos données. C’est en gros l’idée défendue sur la fin de cet ouvrage sur la Responsabilité Numérique avec la proposition d’une charte de conception durable et un label ouvert utilisable par tous les concepteurs de systèmes et de services responsables, le tout placé sous la sauvegarde de la multitude grâce à la transparence offerte par le numérique. La mise en oeuvre d’une telle proposition fait parte des discussions et des travaux entrepris par le ThinkGroup Cloud Societal Responsibility de ThinkServices.

Si le monde de l’Entreprise à réussi à faire le pas de la Responsabilité Sociale, il est maintenant devenu primordial de faire un pas similaire en direction de la Responsabilité Numérique pour une société plus respectueuse de nos droits et de nos libertés et surtout qui ne tente pas de mettre dans des ghettos techniques l’immense majorité des citoyens du Net.

Soyons numériquement exigeants et responsables! Montrons aux GAFAs et autres “too fat to change” que ce sont eux qui doivent changer et pas nous.

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La Suisse en voie de sous-développement numérique ?

Le 14 septembre 2010 Doris Leuthard, alors présidente de la confédération, était citée dans les colonnes du Temps dans une rubrique sur l’innovation (Anouch Seydtaghia, La Suisse n’utiliserait pas assez les nouvelles technologies) regrettant les mauvais classements de la Suisse dans les différents rankings liés à l’économie numérique et le retard trop grand pris par la Suisse dans ce domaine. En cause : les usages et en aucun cas la technologie et les infrastructures dont la Suisse est largement dotée.

Le remède préconisé alors : la création sous son patronat d’un partenariat public-privé intitulé « eEconomy Board » qui n’accouchera malheureusement que de trois ou quatre communiqués en quatre ans sur son site http://www.e-economy.ch/ aujourd’hui éteint et redirigé sur une bien maigre définition de l’e-Economy hébergée par le Secrétariat d’Etat à l’économie SECO, dont la page française offre une définition en allemand.

Quatre ans plus tard, ce qui équivaut globalement à deux générations technologiques, la Suisse n’a toujours pas d’« Agenda Numérique » digne de ce nom alors que la plupart des pays se sont dotés de tels instruments afin de piloter de façon cohérente les politiques publiques indispensables au développement d’une société devenue participative, dématérialisée et orientée services.
En cause ici, probablement une dilution des responsabilités liées à ces questions qui sont réparties à travers plusieurs départements et offices fédéraux rendant difficile, voir impossible, une coordination cohérente des politiques publiques en la matière. Lorsqu’une question est le problème de tous elle risque fatalement de devenir le problème de personne. C’est précisément le mal qui frappe notre pays et qui nous a conduit à ne pas avoir d’agenda numérique suisse incarné, porté par une personne dont ce serait la mission et la responsabilité comme dans la plupart des états ayant un ministre ou un secrétaire d’état au numérique.

Ainsi, l’interpellation 14.4299 déposée par le conseiller national Fathi Derder au Conseil national pose enfin la question clairement. « Faut-il créer un secrétariat d’Etat de la société numérique – ou un autre outil de veille transversale de la révolution numérique ? ».
Cette question doit impérativement être débattue. L’inaction dans ce domaine est aujourd’hui un risque majeur pour notre pays. Il y a urgence, un débat national sur le numérique doit s’ouvrir. Ne pas le faire serait immanquablement un signal pouvant entrainer la Suisse sur une voie irresponsable de sous-développement numérique.

Relevons trois grandes différence entre la situation de 2010 et aujourd’hui. Premièrement, les transformations induites par le numérique dépassent aujourd’hui largement le cadre purement économique. L’enjeu est devenu sociétal, transversal à toutes les activités de notre société comme le relève très justement Fathi Derder dans son « Plaidoyer pour un Secrétariat d’Etat à la société numérique » paru le 6 janvier dans les colonnes de L’AGEFI où il évoque la nécessité de « repenser l’organisation de l’appareil étatique ». Ainsi, la question n’est plus seulement celle d’une « économie numérique », mais bien de la « société numérique » dans laquelle nous voulons vivre.

Deuxièmement, au lieu de partir à peu près en même temps que la plupart des autres pays, nous partons avec un retard non négligeable de deux générations technologiques. Ceci peut toutefois représenter un avantage dans la mesure où nous allons pouvoir nous inspirer des expériences des autres. Les exemples du Digital Agenda for Europe, de la France, de l’Angleterre, du Canada, etc. sont autant de sources qu’il ne s’agit bien entendu pas de copier aveuglément mais d’observer pour y puiser des éléments utiles à notre propre réflexion.

Enfin, la troisième grande différence avec 2010 est qu’un tel projet ne peut plus se passer dans les seuls couloirs politiques ou dans des « huis clos public-privé ». La dimension participative et ouverte de la collectivité doit nécessairement faire partie de l’équation grâce notamment aux plateformes délibératives et aux réseaux sociaux. C’est ainsi que nous sommes maintenant plus dans des logiques qualifiées de « 4P » dans lesquelles le « People », c’est-à-dire le citoyen au sens large, fait partie intégrante des partenariats autrefois réservés aux seuls acteurs publics et privés. Le cas de la France est particulièrement intéressant à ce titre. Le 4 octobre dernier, le Conseil National du Numérique français, commission consultative indépendante, a lancé sur demande du Premier ministre un vaste programme de concertation nationale sur le numérique intitulé Ambition numérique (http://contribuez.cnnumerique.fr/ ) dans lequel tout le monde est appelé a contribuer sur des thèmes et des sujets de la société numérique. Ces phases de contributions sont ponctuées par des journées contributives dans le cadre desquelles tout le monde peut participer à des ateliers se rapportant aux sujets de la concertation.

Un tel modèle participatif devrait pouvoir s’inscrire très naturellement dans un modèle de démocratie directe tel que la Suisse l’incarne afin de co-créer un Agenda Numérique ambitieux et responsable pour notre pays.

(Paru dans Le Temps du lundi 19 janvier 2014, p. 10 – http://t.co/PUBjvzwJKa)

Obsolescence, Responsabilité et Economie Numérique

Récemment une histoire a attiré mon attention sur un point particulier de ce que j’appelle la Responsabilité Numérique, notamment dans sa dimension militant pour une charte et un label ouvert de conception durable et équitable de systèmes et de services numériques (principe de Co-Conformité).

L’histoire en question est l’annonce pour le 18 février 2015 de la fin du support et du service du fameux lapin connecté Karotz, initialement connu sous le nom de Nabaztag. Une FAQ (un peu “maigre”) sur la question tente de répondre aux questions soulevées par cet arrêt. On y trouve notamment deux point qui m’interpellent :

  • A la question de ce qu’il peut advenir des lapins existants après le 18 février 2015: la réponse est édifiante: “votre lapin restera auprès de vous, mais sans activité”. En d’autres termes, il s’agit de convaincre ceux qui possèdent un lapin de le conserver comme objet de décoration, artistique, ethnographique d’un temps des débuts de l’Internet des Objets! Une telle réponse n’est bien entendu pas acceptable pour toute personne utilisant actuellement encore ce service (selon eux env. 10% des lapins en circulation).
  • Ce premier point entraine nécessairement une deuxième question aussi mentionnée sur le blog concernant la possibilité du passage en Open Source des codes relatifs aux opérations du lapin. Et là, nous pouvons lire : premièrement une phrase bien pensante et encourageante mais qui n’engage à rien : “nous y pensons et étudions la façon d’y arriver”. Deuxièmement, et ça c’est beaucoup plus inquiétant : “sans investissement de notre part, un transfert en Open Source ne serait pas possible”. Autant dire que ça n’arrivera jamais !

Ainsi, et c’est là toute la question qui se pose dans une économie numérique, comment permettre la cohabitation durable et équitable, donc responsable, d’une industrie qui n’est pas seulement composée d’approches Open Source mais aussi d’initiatives privées et propriétaires.

Une piste intéressante consisterait à inciter l’économie numérique privée à adopter volontairement une clause de Responsabilité Numérique consistant à s’engager à mettre dans en Open Source les codes relatifs à tout système et service dont l’activité commerciale privée s’arrêterait. Une telle clause, dans le cas précis du lapin Karotz aurait le mérite de ne pas se retrouver dans cette situation délicate d’obsolescence numérique ayant un impact négatif tant sur l’entreprise que sur les utilisateurs… à méditer…

Merci à Romain (@romain_bp) d’avoir attiré mon attention avec son Tweet sur la question, même si je ne suis pas nécessairement d’accord avec le fait qu’il ne faut “jamais acheter du matériel connecté non Open Source”. En fait, avec un tel engagement et une clause de Responsabilité Numérique d’ouverture du code en cas de cessation de services, la question ne se poserait plus dans les mêmes termes, et la société aurait la possibilité de continuer à utiliser les systèmes et les services malgré l’obsolescence forcée et économiquement probablement justifiable dans notre économie numérique. Soyons numériquement exigeants et responsables. Il est temps de concevoir cette charte et ce label ouvert de conception durable et équitable de systèmes et de services… Rejoignez-nous, nous serons bientôt légion… Qu’en pensez-vous ?

Swiss (ICT) foresight 2025 : BRACE for hard landing !

I’m really confused today (to say the least) re-reading the 2025 outlook for Swiss federal policy foresight document released recently.
Paying careful attention at the parts dealing with ICT, namely : pp 16-17 and challenge #10, pp 58-59, I couldn’t help feeling totally depressed.
Every point is presented stressing threats rather than opportunities or challenges to address and tackle.
Here are a few examples (based on the French version) :

  • technological developments and innovation surges are expected in a variety of domains. (“poussées d’innovation”) as if it were a childhood disease or fever to be controlled.
  • “Cette évolution fulgurante ne semble pas vouloir s’arrêter…” sounds like disappointment!
  • “La tendance à l’interconnexion des systèmes ouvre la perspective de gains d’efficacité réels sur les plans économique et écologique, mais elle risque d’accroître les situations de dépendance et de vulnérabilité ; les systèmes et les réseaux TIC sont en effet de plus en plus sophistiqués, et donc de plus en plus fragiles, et la société est de plus en plus tributaire de ces systèmes.” : should we understand that we should disengage and rollback ?
  • “Il a une dimension écologique, les ordinateurs modernes consommant une grande quantité d’électricite” : okay could we eventually balance that with the added value for society and the progress in green IT ?
  • “L’accélération du progrès technologique recèle toutefois des dangers…” : more of the same threats…
  • “Enfin, les questions du respect des droits d’auteur et de la protection des données se posent de plus en plus souvent.” : is that “news” ? Should we shut down the Swiss Internet ? Please see some of the talks of Prof. Larry Lessig who gave another brilliant talk yesterday at CERN.
  • etc.

Is it really a sustainable option not to embrace technological innovation and progress ? Can we afford to have such skeptical digital public policies for our future ? Shouldn’t foresight stress opportunities for action rather than threats leading to status quo ?

Remembering news from last September (see Le Temps, 14/12/2010, “La Suisse n’utiliserait pas assez les nouvelles technologies”)
“A wakeup call” facing the “collaps” of Switzerland in the 2010 Digital Economy Ranking (The Economist) dropping to 19 (from 12 in 2009) vigorously said Isabelle Welton (IBM Country General Manager for Switzerland)

This was further amplified by Doris Leuthard (in charge of Economy at the time) showing worries for Switzerland being ranked 45th worldwide in terms of eGovernment and falling behind Netherlands, Sweden and Denmark in terns of eHealth. She also stressed, and this is important, that it wasn’t about the technology, switherland being very well equipped, but about the Uses of that technology in society
This has led to the launch of the eEconomyBoard, a public-private partnership involving IBM, Microsoft, EPFL, La Poste, SECO among others. But the latest activity dates back to November 2010 according to their web site. It would have been nice to see this entity be slightly more proactive towards defining the challenges and prospective opportunities to shape public policies for the future in this area.

Considering this and coming back to the document discussed here, I would have expected a much more ambitious (i.e., less negative) plan to stimulate the debate towards setting the agenda and priorities for digital society / economy public policies for 2011-2015.

There are some very good examples out there, starting with the EU Digital Agenda (May 2010), one of the “seven flagship initiatives of the Europe 2020 Strategy, set out to define the key enabling role that the use of Information and Communication Technologies (ICT) will have to play if Europe wants to succeed in its ambitions for 2020″.
Juxtaposing both documents inevitably leads to identifying the shortsighted view of the Swiss document in shaping the future policies allowing Switzerland to not only stay competitive but more importantly thrive in a global digital and service oriented world. Let’s not forget the Web was born in Switzerland at CERN and to quote Larry Lessig who gave a wonderful talk over there yesterday : “giving a talk at CERN is as cool as speaking at Pixar”…

In summary, I’m afraid we’re not anywhere close to seeing emerge a Digital Society state secretary or minister in Switzerland, even though it would be among the highest priorities for competitiveness and development. The document released is among the most depressing piece of ICT prospective thinking I’ve ever seen. Switzerland is therefore facing two major challenges: first to get our country officials to understand what is at stake, and then to design the ambitious strategic plan this country must implement in order to at least stay competitive if not leader with respect to this important societal challenge for our future.

So, in three words if nothing changes: BRACE BRACE BRACE ! Oh, and by the way, please don’t forget to pull the electricity plug before we crash (ecology), the saved power may help other countries implement their more ambitious plans.

And to finish on a positive note I call upon everyone to engage in this vital conversation towards a true debate on the opportunities of ICT for Switzerland and the corresponding public policies.

Call for Action – let’s unite to propose a “Grassroots DRM Day”

Today, May 4th, is “The Day Against DRM”. It’s a very sad day ! While I think DRM is fundamentally flawed by design we’re still stuck in this extremism debate going nowhere anytime soon. Apple has sold its 1’000’000th (1 million) iPad last Friday, 28 days since its launch, 12 million apps downloaded and 1.5 million ebooks. Let’s face the facts, compared to the number of signatures collected against the iPad this device is rocking its world despite the DRM issues. Basically, the user experience by far outweighs the problems. I’ve written an Open Letter to DefectiveByDesign.org about this here.

So, here’s my proposition for today. It’s a call for action: let’s unite to propose a “Grassroots DRM Day“, a day to co-creatively Rethink and Redesign DRM. Drop me a note if you feel like participating (I’ll setup a page in case there’s a critical mass of people who want to take action) (See LibrePlanet Wiki)