#DériveNumérique VS #ResponsabilitéNumérique

Je découvre avec effroi (merci @DrSportSanté) l’article du @24heuresch : “Les caisses veulent surveiller notre activité sportive” d’hier, repris du blick dimanche. Nous y découvrons l’existence du projet “myStep” entre la CSS, l’ETHZ et HSG visant à mesurer et inciter les assurés de la CSS à marcher 10’000 pas par jour.

Dans l’article du @24heures du 23 juin 2015, nous pouvons lire :

Naturellement, l’essai est réservé aux assurés en complémentaire – une extension à l’assurance de base pourrait être interprétée comme une sélection des risques.

… et dans l’article d’hier, nous trouvons :

Pour les assureurs, les appareils numériques sont en effet une aubaine car ils leur permettent de dresser le profil-risque de leurs assurés. […]

la CSS est persuadée que l’assurance de base ne pourrait que profiter de ces données. «Étant donné le coût croissant des soins, nous allons inévitablement promouvoir la responsabilité individuelle pour renforcer finalement la solidarité entre assurés», estime le responsable. En clair: ceux qui ne veulent pas être surveillés devront payer plus de primes!

De l’assurance complémentaire à l’assurance de base il n’y a qu’un petit pas, si vite franchi ! Nous voici devant une situation préoccupante qui devrait retenir notre attention. Nous posons les bases d’une société de l’information dystopique, digne de Brazil, reposant sur la surveillance de masse, et dominée par des entreprises privées pour lesquelles l’absence de cadres de politiques publiques numériques vaut blanc-seing pour toutes les dérives et expérimentations possibles et imaginables. C’est le far west ! Nous ne parlons même pas ici de la révision de la loi sur la surveillance qui doit être débattue cet automne et qui devrait conduire à un équivalent du Patriot Act américain.

Pour en revenir à la question de l’usage de nos données de santé dans le cadre de l’assurance, le principe de base de solidarité doit primer et il est de la responsabilité de l’Etat de le garantir. Dans ce contexte, le rôle du préposé fédéral à la protection des données et à la transparence est fondamental. Mais cela ne suffit pas. L’Etat doit aussi être en mesure de fournir un cadre clair dans lequel la société numérique peut trouver les repères nécessaires au déploiement de son activité de façon durable et responsable. L’absence de tels cadres, ce qui est clairement le cas de la Suisse qui fait partie des derniers pays développés sans agenda numérique et responsabilité incarnée au niveau politique pour un tel dossier, est la porte ouverte à toutes les dérives possible.

De plus, de telles mesures nécessitent une certaine coordination entre les domaines. Les politiques publiques de santé, d’économie et du numériques dans ce cas sont clairement à coordonner. Ca n’a pas de bon sens de laisser faire l’économie privée avec des approches à l’emporte-pièce sur des questions aussi sensibles que celles de la santé publique et du social et au mépris de la protection des données et de la solidarité, fondement même de l’assurance. Et nous n’évoquons même pas l’aspect éthique ici.

Nous voici clairement devant un magnifique exemple de dérive liée à l’absence d’un Agenda Numérique national et par conséquent un grave manquement à la responsabilité de l’état dans son rôle de garant du développement de la société au travers de cadres de politiques publiques coordonnées, cohérentes et durables. C’est notamment pour des raisons telles que celle-ci que NumeriCH a lancé le Débat National sur l’Agenda Numérique Suisse cet été pour inscrire cette question dans les débats des élection fédérales de cette année.

J’en viens à me demander dans quelle mesure, et je ne suis pas un adepte de la théorie du complot, il n’y a pas un lien entre l’éviction de la candidature du PFPDT suppléant @jpwalter et différents signaux comme celui-ci et d’autres projets de la confédération relatifs notamment à la commercialisation des données de certaines entreprises telles que Swisscom, La Poste ou encore les CFF. L’interview de Doris Leuthard dans Le Temps du 18 juillet dernier, au retour d’un voyage en Asie, était particulièrement préoccupant à cet égard. Comme on dit en anglais “connecting the dots”, passablement de signaux sembleraient converger en direction d’une “gène” apparente que pourrait représenter un cadre de protection des données et de transparence ambitieux et fort à la veille de la réforme européenne en matière de protection des données. La suisse à besoin d’un sursaut numérique, il y a urgence sinon, comme me le demandait @antoinedroux en conclusion du talk 6h 9h le Samedi : il vas se passer quoi si rien ne se passe ? Ma réponse : agonie stationnaire, mort lente !

A propos de “déGAFAmisation” et de “déGooglisation”

Récemment interpellé par un post de Diane Touré (@DianeToure) grace à Arnaud Velten (@bizcom) intitulé :

Comment se “dégafamiser” et reprendre le contrôle de sa vie en ligne ?

accompagné d’une illustration tout aussi préoccupante :degooglisernet-600x356

Le titre de ce post m’a vraiment interpellé et le dessin aussi, un peu comme si c’était nous les citoyens ordinaires du Net qui étions les parias de cette société numérique “gafamisée”, “NSAisée”, surveillée globalement, etc.

Puis en y réfléchissant bien et à la lecture des conseils et propositions pour se “dégoogliser”, je me dis que la situation n’est clairement pas normale. Pourquoi serait-ce à nous les ordinaires citoyens du Net de palier aux manquements manifestes de ces fournisseurs de systèmes et services ? Ceci, un peu comme si nous étions dans le maquis, en territoire occupé ou dans un village d’irréductibles NETois.

Non! Je proteste vigoureusement contre un tel état de fait et je postule qu’il est de notre devoir de citoyen responsables du Net d’exiger que les fournisseurs de systèmes et de services numériques adoptent une posture de Conception Responsable offrant par défaut un niveau de confiance permettant de placer la partie la plus faible, c’est-à-dire NOUS les citoyens du Net, dans une position claire de sécurité et de confiance vis-à-vis de l’usage fait de nos données. C’est en gros l’idée défendue sur la fin de cet ouvrage sur la Responsabilité Numérique avec la proposition d’une charte de conception durable et un label ouvert utilisable par tous les concepteurs de systèmes et de services responsables, le tout placé sous la sauvegarde de la multitude grâce à la transparence offerte par le numérique. La mise en oeuvre d’une telle proposition fait parte des discussions et des travaux entrepris par le ThinkGroup Cloud Societal Responsibility de ThinkServices.

Si le monde de l’Entreprise à réussi à faire le pas de la Responsabilité Sociale, il est maintenant devenu primordial de faire un pas similaire en direction de la Responsabilité Numérique pour une société plus respectueuse de nos droits et de nos libertés et surtout qui ne tente pas de mettre dans des ghettos techniques l’immense majorité des citoyens du Net.

Soyons numériquement exigeants et responsables! Montrons aux GAFAs et autres “too fat to change” que ce sont eux qui doivent changer et pas nous.

La Suisse en voie de sous-développement numérique ?

Le 14 septembre 2010 Doris Leuthard, alors présidente de la confédération, était citée dans les colonnes du Temps dans une rubrique sur l’innovation (Anouch Seydtaghia, La Suisse n’utiliserait pas assez les nouvelles technologies) regrettant les mauvais classements de la Suisse dans les différents rankings liés à l’économie numérique et le retard trop grand pris par la Suisse dans ce domaine. En cause : les usages et en aucun cas la technologie et les infrastructures dont la Suisse est largement dotée.

Le remède préconisé alors : la création sous son patronat d’un partenariat public-privé intitulé « eEconomy Board » qui n’accouchera malheureusement que de trois ou quatre communiqués en quatre ans sur son site http://www.e-economy.ch/ aujourd’hui éteint et redirigé sur une bien maigre définition de l’e-Economy hébergée par le Secrétariat d’Etat à l’économie SECO, dont la page française offre une définition en allemand.

Quatre ans plus tard, ce qui équivaut globalement à deux générations technologiques, la Suisse n’a toujours pas d’« Agenda Numérique » digne de ce nom alors que la plupart des pays se sont dotés de tels instruments afin de piloter de façon cohérente les politiques publiques indispensables au développement d’une société devenue participative, dématérialisée et orientée services.
En cause ici, probablement une dilution des responsabilités liées à ces questions qui sont réparties à travers plusieurs départements et offices fédéraux rendant difficile, voir impossible, une coordination cohérente des politiques publiques en la matière. Lorsqu’une question est le problème de tous elle risque fatalement de devenir le problème de personne. C’est précisément le mal qui frappe notre pays et qui nous a conduit à ne pas avoir d’agenda numérique suisse incarné, porté par une personne dont ce serait la mission et la responsabilité comme dans la plupart des états ayant un ministre ou un secrétaire d’état au numérique.

Ainsi, l’interpellation 14.4299 déposée par le conseiller national Fathi Derder au Conseil national pose enfin la question clairement. « Faut-il créer un secrétariat d’Etat de la société numérique – ou un autre outil de veille transversale de la révolution numérique ? ».
Cette question doit impérativement être débattue. L’inaction dans ce domaine est aujourd’hui un risque majeur pour notre pays. Il y a urgence, un débat national sur le numérique doit s’ouvrir. Ne pas le faire serait immanquablement un signal pouvant entrainer la Suisse sur une voie irresponsable de sous-développement numérique.

Relevons trois grandes différence entre la situation de 2010 et aujourd’hui. Premièrement, les transformations induites par le numérique dépassent aujourd’hui largement le cadre purement économique. L’enjeu est devenu sociétal, transversal à toutes les activités de notre société comme le relève très justement Fathi Derder dans son « Plaidoyer pour un Secrétariat d’Etat à la société numérique » paru le 6 janvier dans les colonnes de L’AGEFI où il évoque la nécessité de « repenser l’organisation de l’appareil étatique ». Ainsi, la question n’est plus seulement celle d’une « économie numérique », mais bien de la « société numérique » dans laquelle nous voulons vivre.

Deuxièmement, au lieu de partir à peu près en même temps que la plupart des autres pays, nous partons avec un retard non négligeable de deux générations technologiques. Ceci peut toutefois représenter un avantage dans la mesure où nous allons pouvoir nous inspirer des expériences des autres. Les exemples du Digital Agenda for Europe, de la France, de l’Angleterre, du Canada, etc. sont autant de sources qu’il ne s’agit bien entendu pas de copier aveuglément mais d’observer pour y puiser des éléments utiles à notre propre réflexion.

Enfin, la troisième grande différence avec 2010 est qu’un tel projet ne peut plus se passer dans les seuls couloirs politiques ou dans des « huis clos public-privé ». La dimension participative et ouverte de la collectivité doit nécessairement faire partie de l’équation grâce notamment aux plateformes délibératives et aux réseaux sociaux. C’est ainsi que nous sommes maintenant plus dans des logiques qualifiées de « 4P » dans lesquelles le « People », c’est-à-dire le citoyen au sens large, fait partie intégrante des partenariats autrefois réservés aux seuls acteurs publics et privés. Le cas de la France est particulièrement intéressant à ce titre. Le 4 octobre dernier, le Conseil National du Numérique français, commission consultative indépendante, a lancé sur demande du Premier ministre un vaste programme de concertation nationale sur le numérique intitulé Ambition numérique (http://contribuez.cnnumerique.fr/ ) dans lequel tout le monde est appelé a contribuer sur des thèmes et des sujets de la société numérique. Ces phases de contributions sont ponctuées par des journées contributives dans le cadre desquelles tout le monde peut participer à des ateliers se rapportant aux sujets de la concertation.

Un tel modèle participatif devrait pouvoir s’inscrire très naturellement dans un modèle de démocratie directe tel que la Suisse l’incarne afin de co-créer un Agenda Numérique ambitieux et responsable pour notre pays.

(Paru dans Le Temps du lundi 19 janvier 2014, p. 10 – http://t.co/PUBjvzwJKa)

Obsolescence, Responsabilité et Economie Numérique

Récemment une histoire a attiré mon attention sur un point particulier de ce que j’appelle la Responsabilité Numérique, notamment dans sa dimension militant pour une charte et un label ouvert de conception durable et équitable de systèmes et de services numériques (principe de Co-Conformité).

L’histoire en question est l’annonce pour le 18 février 2015 de la fin du support et du service du fameux lapin connecté Karotz, initialement connu sous le nom de Nabaztag. Une FAQ (un peu “maigre”) sur la question tente de répondre aux questions soulevées par cet arrêt. On y trouve notamment deux point qui m’interpellent :

  • A la question de ce qu’il peut advenir des lapins existants après le 18 février 2015: la réponse est édifiante: “votre lapin restera auprès de vous, mais sans activité”. En d’autres termes, il s’agit de convaincre ceux qui possèdent un lapin de le conserver comme objet de décoration, artistique, ethnographique d’un temps des débuts de l’Internet des Objets! Une telle réponse n’est bien entendu pas acceptable pour toute personne utilisant actuellement encore ce service (selon eux env. 10% des lapins en circulation).
  • Ce premier point entraine nécessairement une deuxième question aussi mentionnée sur le blog concernant la possibilité du passage en Open Source des codes relatifs aux opérations du lapin. Et là, nous pouvons lire : premièrement une phrase bien pensante et encourageante mais qui n’engage à rien : “nous y pensons et étudions la façon d’y arriver”. Deuxièmement, et ça c’est beaucoup plus inquiétant : “sans investissement de notre part, un transfert en Open Source ne serait pas possible”. Autant dire que ça n’arrivera jamais !

Ainsi, et c’est là toute la question qui se pose dans une économie numérique, comment permettre la cohabitation durable et équitable, donc responsable, d’une industrie qui n’est pas seulement composée d’approches Open Source mais aussi d’initiatives privées et propriétaires.

Une piste intéressante consisterait à inciter l’économie numérique privée à adopter volontairement une clause de Responsabilité Numérique consistant à s’engager à mettre dans en Open Source les codes relatifs à tout système et service dont l’activité commerciale privée s’arrêterait. Une telle clause, dans le cas précis du lapin Karotz aurait le mérite de ne pas se retrouver dans cette situation délicate d’obsolescence numérique ayant un impact négatif tant sur l’entreprise que sur les utilisateurs… à méditer…

Merci à Romain (@romain_bp) d’avoir attiré mon attention avec son Tweet sur la question, même si je ne suis pas nécessairement d’accord avec le fait qu’il ne faut “jamais acheter du matériel connecté non Open Source”. En fait, avec un tel engagement et une clause de Responsabilité Numérique d’ouverture du code en cas de cessation de services, la question ne se poserait plus dans les mêmes termes, et la société aurait la possibilité de continuer à utiliser les systèmes et les services malgré l’obsolescence forcée et économiquement probablement justifiable dans notre économie numérique. Soyons numériquement exigeants et responsables. Il est temps de concevoir cette charte et ce label ouvert de conception durable et équitable de systèmes et de services… Rejoignez-nous, nous serons bientôt légion… Qu’en pensez-vous ?

ACTA soon to join graveyard of attempts to cut online liberties

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Now that EC digital chief Neelie Kroes has acknowledged ACTA is set to fail and join the growing worldwide graveyard of deceptive attempts to lockdown the Internet, maybe we can move on and start co-designing a truly user centered framework for our global digital future. While this sounds great, my only concern is who (or which entity) has the legitimacy to start this conversation ? I’m afraid none of the existing bodies are “free” enough to tackle such a global wicked problem. Particularly if it involves using remedies and solutions from the past.
We are living a historic time, the answers we will provide are likely to shape the future of our society for generations. Let’s not miss this unique opportunity to build upon what the Internet and the Web have achieved, to design the first Global Digital Policy Framework. Internet is a county that has all the flavors of a country except physical territory. We are all citizens of the Internet, let’s unite and follow this metaphor in this global co-design challenge.

(May 8, 2012 article from The Guardian )

Latest News : May 9, 20012,  Switzerland to postpone signature of ACTA in light of general controversy and protests.